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Réseaux humides

La réglementation applicable aux eaux non conventionnelles

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A RETENIR
  • L’utilisation des eaux non conventionnelles sur les chantiers de travaux publics exige une approche méthodique et rigoureuse.
  • Le respect du cadre réglementaire est fondamental, avec des régimes d’autorisation variant selon le type d’eau utilisée (pluviale, usée traitée, exhaure).
  • La réussite du dispositif repose sur quatre piliers essentiels : des installations techniques adaptées et correctement maintenues, des protocoles d’utilisation stricts et respectés, un personnel formé et conscient de ses responsabilités, et une traçabilité complète des opérations.
  • La surveillance continue de la qualité de l’eau et la réactivité face aux non-conformités sont cruciales pour garantir la sécurité sanitaire et environnementale. Tout écart significatif doit entraîner une suspension immédiate de l’utilisation jusqu’au retour à la conformité.
  • La conservation des documents de suivi pendant trois ans minimum après la fin du chantier permet de démontrer la bonne gestion du dispositif en cas de contrôle.

Dans un contexte où la gestion responsable des ressources en eau devient un enjeu majeur pour le secteur du BTP, l’utilisation des eaux non conventionnelles sur les chantiers de travaux publics représente une alternative durable et écologique. Cette pratique, encadrée par une réglementation précise, permet de réduire significativement la consommation d’eau potable tout en maintenant l’efficacité opérationnelle des chantiers. Cette fiche guide a pour objectif d’accompagner les professionnels dans la mise en œuvre de cette démarche, en détaillant l’ensemble des aspects réglementaires, techniques et organisationnels à maîtriser pour une utilisation sûre et conforme des eaux non conventionnelles.

Cadre réglementaire et démarches administratives

L’utilisation des eaux non conventionnelles sur les chantiers de travaux publics s’inscrit dans un cadre réglementaire récent, strict et complexe en fonction du type d’eau utilisée et de l’usage que l’on veut en faire. Les responsables de chantier doivent impérativement obtenir les autorisations nécessaires avant tout démarrage des opérations et mettre en place une veille active afin de se tenir informer des nouvelles lois en vigueur.

Le cadre réglementaire français a été assoupli depuis 2023, à savoir : 

  • La réutilisation des eaux de pluie est possible sans procédure d’autorisation pour les usages non domestiques et les usages domestiques des eaux impropres à la consommation humaine (EICH). 
  • Les projets de réutilisation des eaux usées traitées (EUT) pour l’arrosage des espaces verts et sportifs sont soumis à une procédure d’autorisation au titre du Code de l’environnement, compte tenu des enjeux sanitaires associés. Une réglementation spécifique aux usages urbains devrait être publiée au printemps 2025.  Les EUT ne peuvent être utilisées sans traitement. Des barrières doivent réduire au minimum le risque de transmission d’agents pathogènes comme la mise en place de traitements désinfectants. Un cadrage préalable du dossier peut être demandé auprès du service instructeur de la DDT(m) du territoire sur lequel s’établit le chantier. Un dossier d’autorisation à titre expérimental peut être envisagé pour d’autres usages. Tout silence gardé de l’administration sur le dossier déposé vaut refus tacite de la demande d’autorisation.
  • Les eaux d’exhaure et les eaux pluviales peuvent être réemployées sous réserve qu’elles ne soient pas chargées en polluants non compatibles avec l’usage visé. À titre d’exemple, le ruissellement des eaux de pluie sur des surfaces en contact avec des personnes ou des véhicules peut engendrer une pollution des eaux. Il n’existe pas de procédures spécifiques encadrant le réemploi de ces eaux. Toutefois, lorsque le projet est soumis à la nomenclature « eau », leur réemploi doit être spécifié et justifié dans le dossier « loi sur l’eau » (cf fiches sur la nomenclature « eau »).

Organisation technique et matérielle

L’utilisation d’eaux non conventionnelles exige une organisation rigoureuse du chantier et des installations spécifiques. Le site doit disposer d’infrastructures adaptées comprenant des zones de stockage sécurisées, des réseaux de distribution identifiés et des systèmes de traitement appropriés.

Les installations de stockage doivent être équipées de dispositifs de sécurité (trop-plein, protection contre le gel) et d’une signalétique claire indiquant la nature non potable de l’eau. Les systèmes de traitement incluent généralement des unités de filtration, des dispositifs de correction du pH et, selon les usages, des équipements de désinfection. L’ensemble du réseau de distribution doit être distinct des réseaux d’eau potable, avec des raccordements sécurisés empêchant tout risque de contamination croisée.

Protocoles d’utilisation et contrôles

La première action à mener est la caractérisation des eaux non conventionnelles dont le réemploi est envisagé. La définition de la qualité de l’eau et des volumes disponibles vont permettre d’évaluer son aptitude technique et réglementaire au réemploi vers des usages visés et des traitements adéquats pour y arriver. Il s’agit de mener en premier lieu une réelle étude des opportunités offertes par le chantier.

L’étude de la faisabilité permettra ensuite de définir les protocoles d’utilisation selon les usages prévus sur le chantier. Pour l’abattage des poussières, l’eau doit présenter une turbidité inférieure à 5 NTU et une concentration en matières en suspension n’excédant pas 30 mg/L. L’arrosage doit donc être modulé selon les conditions météorologiques pour éviter tout ruissellement excessif.

Le compactage des sols nécessite un contrôle rigoureux de la qualité de l’eau, particulièrement en termes de salinité. Le nettoyage des engins doit s’effectuer sur des aires dédiées et imperméabilisées, équipées de systèmes de récupération des eaux. Un programme de surveillance quotidienne doit être mis en place, complété par des analyses périodiques des paramètres physico-chimiques et microbiologiques.

Formation et responsabilités du personnel

La réussite de la démarche repose sur la compétence du personnel impliqué. Tous les intervenants concernés doivent suivre une formation initiale couvrant les aspects réglementaires, techniques et sécuritaires de l’utilisation des eaux non conventionnelles. Cette formation aborde les procédures d’utilisation spécifiques, les contrôles à effectuer et la gestion des situations d’urgence.

Le maintien des compétences est assuré par des sessions de recyclage annuelles. Les responsabilités de chaque intervenant doivent être clairement définies, notamment concernant la réalisation des contrôles, la maintenance des installations et la gestion des non-conformités. Une attention particulière est portée à la sensibilisation aux risques sanitaires et environnementaux.

Suivi et traçabilité

Un système de suivi rigoureux doit être mis en place pour assurer la traçabilité des opérations. Un registre quotidien consigne l’ensemble des informations pertinentes : volumes prélevés et utilisés, résultats des contrôles, opérations de maintenance, incidents éventuels et actions correctives entreprises.

La documentation doit être organisée de manière méthodique, avec un archivage permettant une consultation facile en cas de contrôle. Un reporting régulier est établi : rapports mensuels pour la direction du chantier et bilans trimestriels pour les autorités de contrôle. L’ensemble des documents doit être conservé pendant une durée minimale de trois ans après la fin du chantier.

En cas de non-conformité ou d’incident, des procédures spécifiques définissent les mesures à prendre, depuis la suspension temporaire de l’utilisation jusqu’à la mise en œuvre d’actions correctives. Les autorités compétentes doivent être informées en cas d’incident majeur pouvant impacter l’environnement ou la santé publique.

 

 

Conclusion

L’utilisation des eaux non conventionnelles sur les chantiers de travaux publics s’inscrit dans une démarche globale de développement durable et de préservation des ressources. Si elle nécessite une organisation rigoureuse et un investissement initial en termes d’équipements et de formation, cette pratique permet de réaliser des économies significatives d’eau potable tout en maintenant la qualité des travaux. La réussite de cette démarche repose sur l’engagement de l’ensemble des acteurs du chantier et le respect scrupuleux des procédures établies. Face aux enjeux croissants de la gestion de l’eau, la maîtrise de l’utilisation des eaux non conventionnelles devient un atout majeur pour les entreprises du secteur, démontrant leur capacité à conjuguer performance opérationnelle et responsabilité environnementale.

Ont contribué à l’article :
Mélissa PLOUZANE Yannis Hagel

Sources :

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