Créer des communs pédagogiques : l’exemple de la FNTP
À lire sur Communotic, de la Région Normandie : « Financée par la FNTP, la plateforme tpdemain.com propose gratuitement des contenus pédagogiques communs aux formateurs. Objectif : déployer à l’échelle nationale une pédagogie multimodale adaptée et individualisée… tout en cassant certains codes sur la notion de propriété qui entoure les contenus. »
Voies et réseaux, ouvrages d’art (dits de génie civil), terrassements, ouvrages de transports d’énergie (électricité, gazoduc…) ou de fluides (aqueducs, vapeur…) : la Fédération Nationale des Travaux Publics (FNTP) rassemble en France quelque 8000 entreprises adhérentes, réunies au sein du réseau des fédérations régionales et des syndicats spécialisés. Elle fait valoir les intérêts de la profession et promeut les marchés publics ainsi que la capacité à y répondre. Cette agilité professionnelle passe notamment par la formation, incarnée par la plateforme tpdemain.com dont la mise en ligne date de 2022.
Plusieurs milliers de ressources entièrement gratuites
L’aventure de tp.demain mérite que l’on s’y intéresse, et pour cause : cette plateforme se présente comme la première bibliothèque pédagogique dédiée aux métiers des Travaux Publics. Elle recense à ce jour 15 parcours, 571 tutoriels vidéo et 2115 ressources pédagogiques. Particularité notable : toutes ces ressources sont entièrement gratuites, accessibles à tous, réutilisables sans aucun login ni mot de passe. Vous souhaitez faire le point sur les 4 types de communication qui existent ? Vous allez trouver sur tpdemain.com des éléments « clés en mains » qui vous permettront de structurer votre formation. Même chose pour les mécanismes et causes du changement climatique, la renaturation des cours d’eau, le climat et l’activité humaine ou encore des questions plus techniques, tels les risques liés à l’arrimage des charges ou le calcul d’une altitude par la méthode de la cote bleue. Environnement, prévention sécurité, connaissance des Travaux Publics, management, matériaux, sciences, pédagogie, engins, réseaux humides, voirie… C’est un large éventail de sujets qui se trouve déployé sur tpdemain.com.
Une longue histoire
Quelles sont les raisons pour lesquelles une fédération professionnelle aussi importante que la FNTP a opté pour la mise en ligne gratuite de toutes ses ressources pédagogiques ? « C’est une longue histoire », répond Charles Aïvar, chef de projet tp.demain et cheville ouvrière de la plateforme depuis sa conception. « En fait, tout commence en 2010, alors que je suis directeur du CFA d’Alençon. Je décide un jour de me lancer dans la réorganisation de la pédagogie au sein de l’établissement, de m’adresser à des publics mixtes et d’individualiser les formations qui y sont dispensées. Pour cela, j’ai impérativement besoin d’une plateforme de ressources pédagogiques en ligne. Je rencontre alors les services de la Région Normandie : ce sont eux qui vont me permettre de financer ce premier projet, appelé WikiTP. »
Le projet prototypal qui se crée à ce moment-là prend une option radicale : il n’y aura sur WikiTP que des contenus publics, essentiellement pour des raisons techniques. « Nous n’avions pas le temps ni l’argent de développer autre chose que des contenus pédagogiques », explique Charles Aïvar. Mise en ligne en 2012 pour le compte de l’Ecole des Travaux Publics de Normandie (ETPN), la plateforme va connaître une ascension fulgurante.
Déployer la plateforme à l’échelle nationale
Au bout de quelques mois, Charles Aïvar ne peut que constater un phénomène qui le dépasse : les ressources gratuites de WikiTP attirent chaque jour entre 3000 et 4000 utilisateurs. Tous ne sont pas directement liés à l’activité du CFA d’Alençon, loin s’en faut : les analyses montrent rapidement que c’est un ensemble de professionnels et d’étudiants issus de pays francophones qui fréquentent le site, et que les utilisateurs directement liés au Centre de Formation représentent à peine… 5% de l’ensemble ! « C’était tout à fait inattendu, et ça a commencé à se savoir un peu », se rappelle Charles Aïvar. Assez pour que la FNTP décide d’inclure la présentation de WikiTP lors d’un événement qu’elle organise à Paris en 2017, et qui va susciter un large intérêt.
En août 2018, Sophie Cahen, la « directrice Influence » de la Fédération Nationale des Travaux Publics, décide de déployer WikiTP à l’échelle nationale, et d’en faire le principal outil d’aide à la digitalisation de la branche des travaux publics. Avec l’aide du Fonds Social Européen, environ 1,5 millions d’euros sont débloqués pour relever ce défi, qui implique la fermeture de WikiTP et le redéploiement d’une nouvelle plateforme.
« Repartir de zéro »
« Il a fallu repartir de zéro, constituer une équipe, repenser les fondements du projet et redéployer l’ensemble en ayant à l’idée que WikiTP était en fait un POC, un ‘proof of concept’ », indique Charles Aïvar. « Désormais, tpdemain.com fait trois choses : nous produisons des contenus pédagogiques granularisés, de plus en plus au format vidéo. Ce sont nos propres ressources pédagogiques, entièrement accessibles à tous, y-compris aux organismes de formation désireux de développer leurs activités. » Second élément : la production de grains pédagogiques est réalisée en lien avec l’analyse des référentiels et des titres liés aux métiers des TP. « Rien n’est produit en interne : nous sommes trop peu nombreux. Mais nous assurons le pilotage de nos projets en lien avec de nombreux partenaires et prestataires. » Troisième aspect : la formation des formateurs, afin que ceux-ci puissent construire des modalités et des services autour de ce que Charles Aïvar appelle un « gisement ».
La plateforme tpdemain.com ne vend rien, et c’est bien là sa spécificité. Dans un univers marchand, grâce au soutien de la FNTP, elle met des ressources sous licence Creative Commons au service des professionnels, et notamment des organismes de formation. Chacun peut faire des liens vers ces contenus, créer une formation mixte qui s’appuiera partiellement sur ces derniers… « Tout est offert à tout le monde », résume Charles Aïvar. « Je reste plus que jamais convaincu que ce modèle de pédagogie multimodale crée des dynamiques dont les apprenants sont les grands bénéficiaires. Finalement, les ressources n’ont de valeur que si l’on s’en sert pour animer un processus, une adaptation, une individualisation. Je crois qu’il serait intéressant d’inspirer les gens à co-créer plutôt qu’à se voir comme des concurrents ».
ANAÏS LEREDDE, RESPONSABLE DU CAMPUS SPIE BATIGNOLLES : « UN ACCÉLÉRATEUR DE MONTÉE EN COMPÉTENCES »
Vous êtes la responsable du Campus Spie batignolles, l’organisme de formation du groupe Spie batignolles : dans quelles circonstances en êtes-vous venue à utiliser la plateforme TP Demain ?
Anaïs Leredde : Le Campus Spie batignolles est un GIE intégré au sein de l’entreprise. Nous sommes un organisme de formation certifié Qualiopi, une équipe interne qui en l’espace de cinq années est passée de deux à six personnes. Notre enjeu consiste à accompagner les directions des Ressources Humaines dans leurs actions de formation. Le groupe Spie batignolles est par ailleurs rattaché à plusieurs fédérations professionnelles, notamment à celle des Travaux Publics. C’est dans ce contexte que nous avons eu connaissance de l’existence de la plateforme tpdemain.com et que nous nous sommes rapprochés de Charles Aïvar.
De quelle manière utilisez-vous cette plateforme ?
A. L. : Tpdemain.com nous intéresse à plusieurs titres. D’abord elle centralise des contenus spécialisés et digitalisés que nous pouvons intégrer sur notre propre plateforme interne. C’est un premier niveau, qui nous permet d’aller capter des contenus précis que nous faisons vivre indépendamment ou intégrons à nos propres parcours. Tpdemain.com propose également des parcours complets, que nos collaborateurs peuvent suivre. C’est un second niveau, actuellement en train d’être mis en place. Je vous avoue que nous préférons la première option, qui nous permet de mieux suivre les apprenants et ainsi de mieux les accompagner.
Quelles sont les ressources que vous mobilisez ?
A. L. : Il y en a plusieurs. Nous sommes intéressés par le volet topographie par exemple, par des sujets liés à la voirie, aux différents types de bordures, à la résistance des matériaux… Nous aimerions bien créer un parcours sur ce dernier sujet, à partir des ressources écrites que propose tpdemain.com. Nous avons désormais, au sein du Campus Spie batignolles, des concepteurs digitaux qui peuvent manier le format SCORM, ce qui nous permettrait de créer des capsules ou du micro-learning. Nous sommes par ailleurs en train de travailler en partenariat avec tp.demain sur une formation relative à la mise en œuvre du béton dans les ouvrages de génie civil. Pour cela nous mobilisons chez nous des opérationnels, et nous avons d’ores et déjà réalisé des ateliers de travail pour déterminer les thématiques, que ce soit en présentiel ou en e-learning. Nous allons mixer cela avec du contenu vidéo, étant entendu que tpdemain.com a une forte expertise sur la partie de la production vidéo. De notre côté, nous avons des chantiers à filmer, des experts à interroger… Nous avons ici un intérêt mutuel à co-construire. Ce travail de co-construction est essentiel, d’autant que nos budgets ne sont pas extensibles. Pour une entreprise telle que la nôtre, tp.demain est en quelque sorte un accélérateur de contenus et de montée en compétences.