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Réseaux humides

Les effluents de chantier de TP

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A RETENIR
  • Les chantiers de travaux publics sont à l’origine de multiples effluents pouvant présenter des impacts sur l’environnement et la santé humaine.
  • Ainsi, il est primordial d’identifier au cas par cas les types d’effluents qui peuvent être générés sur un chantier afin de prendre l’ensemble des mesures préventives et curatives permettant de limiter leurs impacts directs et indirects à court, moyen et long terme.

Cette fiche présente les principaux types d’effluents rencontrés sur les chantiers et les risques associés pour le personnel, les milieux aquatiques et les ressources en eau. 

Pourquoi s’intéresser aux effluents de chantier ?

De nombreuses substances liquides sont mises en œuvre, manipulées ou générées sur les chantiers : hydrocarbures, lubrifiants, adjuvants divers, peintures, solvants, détergents, adhésifs, explosifs, etc. 

Certains produits présentent des risques sanitaires (pour le personnel et les captages d’eau potable) et environnementaux (toxicité pour la faune et la flore, persistance dans les sols et les eaux, dégradation en sous-produits peu ou mal connus). Dans l’ensemble, ces produits sont peu biodégradables. 

En l’absence de précautions, ces substances peuvent être déversées sur site ou au sein des réseaux d’eaux pluviales et/ou usées. Les déversements directs dans les réseaux d’assainissement peuvent perturber le fonctionnement des stations d’épuration. 

Cette fiche présente la liste des sources de pollution et des catégories d’eaux polluées produites sur les chantiers : 

  • Adjuvants, hydrocarbures, graisses et lubrifiants, détergents, agents de surface, et désinfectants, solvants
  • Nettoyage et désinfection des canalisations
  • Eaux de rabattement de nappe
  • Eaux de fouille
  • Laitances de béton
  • Eaux usées des bases de vie
  • Eaux de lavage
  • Eaux de ruissellement souillées

Pour plus d’informations vous pouvez consulter les fiches « Les possibilités de rejet et de tri des effluents de TP », « Adopter des pratiques limitant les risques de pollution des milieux aquatiques » et « Le traitement des effluents de chantier TP ».

 

Sources de pollution

  • Adjuvants

Les adjuvants sont des produits ajoutés à un autre pour renforcer ou compléter son action (propriétés physiques, stabilité à l’environnement). Aujourd’hui, plus de 95 % des bétons sont adjuvantés pour améliorer leurs propriétés à l’état frais (facilité et confort de mise en œuvre) et leurs performances mécaniques. 

Les adjuvants font l’objet de la norme NF EN 934, partie 2 : adjuvants pour béton, mortier et coulis – Définition – exigences – conformité – marquage et étiquetage. L’utilisation d’adjuvants pour la production de béton de structure doit respecter les exigences de la norme NF EN 206/CN. 

Les adjuvants, répartis en trois catégories, contiennent des substances dangereuses et polluantes : 

  • Modificateurs de l’ouvrabilité du béton : plastifiants (sels de sodium) et superplastifiants (polymères synthétiques contenant du formaldéhyde inflammatoire, corrosif et toxique) ;
  • Modificateurs de prise et de durcissement : oxydes de plomb et de zinc, phosphates, fluorates et borates, chlore, sels ; 
  • Modificateurs de certaines propriétés du béton : hydrofuges de masse (sels d’acides gras, entraîneurs d’air, tensioactifs).

Ces produits doivent être stockés, transportés et utilisés dans des conditions minimisant les risques environnementaux. Tout rejet d’adjuvant dans le milieu naturel ou les réseaux est à anticiper et à proscrire. 

  • Hydrocarbures

Les hydrocarbures sont des composés organiques contenant exclusivement des atomes de carbone (C) et d’hydrogène (H). Toxiques pour l’environnement, ils sont inflammables et ne se mélangent pas avec l’eau. On les retrouve principalement dans les carburants et lubrifiants utilisés pour les engins de chantier. Volatils, ils présentent un risque d’asphyxie, d’incendie ou d’explosion. 

Leur toxicité, par inhalation, ingestion ou contact cutané est variable selon les composés. L’exposition aux HAP (hydrocarbures aromatiques polycycliques) est classée cancérogène avéré pour le cancer du poumon et le cancer de la peau. 

Les rejets accidentels d’hydrocarbures liquides (fuite d’engins, stockage non étanche…) peuvent polluer les cours d’eau, atteindre les nappes souterraines – avec un risque pour la production d’eau potable – les estuaires, les côtes, et altérer durablement la faune et la flore aquatique.

Aspect caractéristique d’une pollution d’un cours d’eau aux hydrocarbures

  • Graisses et lubrifiants

Outre les huiles et lubrifiants utilisés pour les engins, une grande variété d’agents de démoulage intervient dans la mise en œuvre du béton. Ces substances peuvent être à l’origine de pollutions lors de leur transport ou de leur stockage, ou lors du ravitaillement des engins. L’huile moteur usagée est insoluble et persistante, et peut contenir des produits chimiques toxiques et des métaux lourds. Le rejet de ces produits dans les milieux aquatiques réduit l’oxygénation pour la faune et la flore. Un litre d’huile usagée peut couvrir une surface d’eau de 1 000 m2. Les huiles déversées dans les réseaux peuvent entraîner la formation de bouchons et les colmater.

Les huiles minérales et lubrifiants synthétiques fabriqués à partir du pétrole sont toxiques pour l’environnement et peu biodégradables. Ils peuvent provoquer des réactions allergiques, des maladies du système neurologique et des affections du système respiratoire. Malgré leurs bénéfices écologiques indéniables, les lubrifiants écologiques peinent à s’imposer vis-à-vis des lubrifiants synthétiques. Les produits contenant de l’huile minérale recyclée et ceux contenant des additifs dangereux pour la santé (étiquetés comme sensibilisant respiratoire ou cutané) sont à proscrire. 

Aspect caractéristique d’une pollution liée aux graisses et lubrifiants

  • Détergents, agents de surface et désinfectants

Les produits détergents et désinfectants sont très largement utilisés sur les chantiers pour les opérations d’entretien et de nettoyage des équipements. Les agents détergents et désinfectants sont souvent composés de produits chimiques très agressifs présentant des risques sanitaires et environnementaux : tensio-actifs, aldéhydes, agents chlorés, etc.

Les détergents sont un ensemble de substances pures  ou en mélange contenant des savons et/ou d’autres agents de surface destinés à des processus de lavage et de nettoyage. Les détergents peuvent être présentés sous n’importe quelle forme (liquide, poudre, pâte, barre, pain, pièce moulée, brique, etc.). 

Les désinfectants sont des substances biocides – bactéricide, fongicide ou virucide – destinés aux milieux inertes (sols, surfaces, bennes et containers à déchets). 

  • Solvants

Un solvant est une substance liquide utilisée pour dissoudre, diluer ou extraire d’autres substances. Les solvants sont utilisés dans les secteurs du bâtiment et des travaux publics pour diluer des colles ou des peintures, dégraisser et nettoyer des surfaces, décaper des métaux ou comme agents de décoffrage. Nombre d’entre eux présentent des risques pour la santé et sont toxiques pour les milieux aquatiques. 

On distingue les solvants : 

    • Inorganiques, qui ne contiennent pas de carbone comme l’eau, les solutions aqueuses contenant des additifs (tensioactifs) et l’acide sulfurique concentré ;
    • Organiques, classés en trois familles : les hydrocarbonés (dont les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP)), les oxygénés (alcools, cétones, acides, etc.) et les halogénés (contenant fluor, chlore, brome ou iode) dont le plus connu est le chloroforme.

De nombreux solvants, dont les HAP, font partie de la famille des polluants organiques persistants. Les solvants halogénés ne sont pratiquement pas solubles dans l’eau et moyennement biodégradables. Tout rejet de solvant organique peut entraîner une pollution des sols préoccupante, notamment en présence d’une nappe d’eau souterraine.

Eaux polluées

  • Nettoyage et désinfection des canalisations

Le nettoyage des canalisations est une étape préalable à la désinfection qui permet d’éliminer la plus grande partie des contaminants et des dépôts dans les canalisations. Les opérations de nettoyage et de désinfection nécessitent l’utilisation de produits biocides chlorés ou non-chlorés à base péroxyde d’hydrogène modifiant le pH de l’eau.

L’utilisation de biocide chlorés présente des risques pour la santé et des risques de corrosion pour les joints en caoutchouc naturel et les canalisations métalliques.
➤  Pour plus d’informations consulter le guide Réservoirs et canalisations d’eau destinée à la consommation humaine : inspection, nettoyage et désinfection.

  • Eaux de rabattement de nappe

Le rabattement de nappe permet de maintenir la zone de travail hors d’eau en créant un cône de rabattement lors des phases de construction : travaux de génie civil, bâtiments, travaux publics, chantiers de dépollution de sols. En fonction du contexte hydrogéologique local ces eaux peuvent contenir des  polluants minéraux et/ou organiques.

Différents types de polluants peuvent être présents en fonction de l’historique du site (pollution aux hydrocarbures, métaux lourds…). Si les forages sont correctement réalisés, l’eau est peu chargée en MES : un ouvrage de décantation de type « piège à cailloux » est suffisant

Les eaux de rabattement de nappe doivent être séparées des eaux de fouilles qui exigent d’autres types de traitement.

  • Eaux de fouille

Les eaux de fouilles sont pompées afin de maintenir au sec la zone de travail en pompant les eaux de ruissellement de surface et/ou d’infiltration en provenance du sous-sol. Ces eaux sont turbides et peuvent être très chargées en MES. Elles nécessitent la mise en place d’un dispositif de traitement (décantation, filtration) avant rejet. En fonction de la nature des travaux différents types de polluants peuvent être lessivés vers les fouilles (fines, sables, laitance de béton, hydrocarbures…).

Pénétration d’eau dans une fouille lors du retrait des palplanches sur un chantier

  • Laitances de béton

La laitance est un mélange liquide d’eau, de ciment et d’éléments fins, qui remonte à la surface du béton lors de la prise. Le déversement de laitances peut présenter des risques pour le personnel et avoir des effets néfastes sur les sols et les eaux de surface en raison de leur teneur en : 

    • Matières en suspension (MES) : les MES correspondent à l’ensemble des matières solides insolubles présentes dans l’eau. Elles peuvent provoquer une augmentation de la turbidité des eaux de surface, un colmatage partiel des sols et des réseaux en cas de rejet direct. En effet, en séchant elles créent un bouchon obstruant les écoulements. Une eau plus trouble réduit la pénétration de la lumière, affectant ainsi la photosynthèse des plantes aquatiques et perturbant l’écosystème aquatique. Les particules fines émises peuvent se déposer au fond des cours d’eau. Cette couche de vase peut altérer les habitats, étouffer les œufs de poissons et les invertébrés, et perturber les cycles de vie des organismes aquatiques.
    • Métaux lourds : la poussière de ciment contient des métaux lourds comme le chrome, le nickel, l’arsenic, le cobalt, le plomb et le mercure. Par exemple, le chrome VI, cancérogène, est soluble dans l’eau mais peut également être adsorbé par les MES et piégé dans les sédiments des cours d’eau.
    • Unités pH : les laitances sont des effluents basiques, irritant pour les yeux et les voies respiratoires. S’ils sont rejetés dans le milieu naturel sans traitement, ils peuvent provoquer une hausse rapide du pH. Cette brusque élévation peut être toxique pour les organismes aquatiques, perturbant leur métabolisme et leur reproduction, et peut également entraîner la précipitation de certains métaux lourds, augmentant leur toxicité.

Source : AFB

  • Eaux usées des bases de vie

Ces eaux usées sont des effluents domestiques particulièrement concentrés en MES, matières organiques et micro-organismes qui nécessitent un traitement spécifique. Le raccordement aux réseaux d’eaux usées, s’il est possible, peut être réalisé avec une conduite enterrée hors gel branchée sur un compteur placé dans un regard de branchement existant. Il conviendra de contacter en amont de tout raccordement le service responsable du réseau et de prendre connaissance du règlement d’assainissement.

Si le raccordement au réseau public n’est pas possible, ces eaux peuvent être stockées au sein d’une bâche ou d’un réservoir puis évacuées en station d’épuration. À défaut, elles devront être traitées sur site au sein d’une station d’épuration mobile adaptée.

En alternative aux toilettes chimiques qui utilisent des produits toxiques, une offre de toilettes sèches est en développement depuis quelques années sur le marché. L’élimination des déchets des toilettes chimiques est soumise à des règles strictes afin d’éviter tout dommage environnemental potentiel.

  • Eaux de lavage

Il s’agit des effluents de lavage des centrales à béton, véhicules et goulottes des toupies. Ces eaux sont potentiellement chargées en MES, métaux, pH, graisses, lubrifiants et autres substances dangereuses, et souvent rejetées sans qu’une attention particulière n’y soit prêtée. Or, en cas de rejet sans traitement, les risques pour l’environnement sont largement documentés.

De nombreuses solutions de type stations de lavage mobiles pour outillage, engins ou encore centrales à béton sont disponibles sur le marché. Dans tous les cas, les aires de lavage sur chantier doivent être aménagées de façon à collecter ces effluents et à les diriger vers une bâche de stockage afin de pouvoir les traiter de manière adaptée avant tout éventuel rejet. 

A minima, un dispositif de type débourbeur séparateur d’hydrocarbures permet de retenir les matières décantables, graisses et hydrocarbures potentiellement contenus dans ces eaux de lavage. En cas de rejet envisagé au sein du réseau d’assainissement, il conviendra de prendre au préalable connaissance du règlement d’assainissement auprès de la collectivité gestionnaire. La délivrance d’une autorisation de déversement permettra de connaître les prescriptions et exigences épuratoires et d’opérer le rejet en toute conformité.

  • Eaux de ruissellement souillées

Sur un chantier, les écoulements superficiels sont régulièrement mis en contact avec des matériaux ou substances :

Solides : gravats, graviers, déchets et macropolluants divers (emballages, résidus de matériaux, lingettes…) pouvant entraîner un colmatage des réseaux et une pollution des cours d’eau ;

– Basiques : chaux, ciment, béton et sa laitance, mortier, explosifs à base d’ammonitrates, certaines graves de recyclage (laitiers sidérurgiques issus de démolition, mâchefers), etc. ;

Acides : certains matériaux constitutifs des remblais ou des couches de forme des plateformes routières, tels que les émulsions de bitume, les graves bitumineuses…

Il conviendra d’analyser finement, en amont du démarrage du chantier, la topographie du site pour prévenir tout ruissellement non maîtrisé d’eaux souillées en dehors des exutoires dédiés (fosses d’infiltration, fossés naturels, fosses de stockage).

 

Pour conclure

SUBSTANCES DANGEREUSES

GESTION DES EAUX DE CHANTIER POLLUÉES

Ont contribué à l’article :
Géraud Bournet Yannis Hagel

Sources :

Image(s) : 

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